dimanche 13 septembre 2009

Histoire des arts : Otto Dix et l'après-guerre des combattants survivants.

Après la guerre, Dix a réalisé deux tableaux montrant les conséquences physiques de la Grande guerre sur les anciens combattants. « Gueules cassées » des Joueurs de cartes (1920), estropiés de Rue de Prague (1920) dont les caractéristiques physiques sont exprimées jusqu’au grotesque. Au début des années 1920, les états n’ont pas peur de montrer la dévastation physique laissée par la guerre, à la fois par fierté et par devoir de mémoire. La laideur, jusque là cachée par la censure, a été récupérée par les discours officiels et les associations d’anciens combattants. Au Congrès de Versailles, Clemenceau fait aligner quelques "gueules cassées" devant les délégués allemands pour montrer les conséquences humaines de la guerre et susciter en eux un sentiment de culpabilité. Les soldats n'hésitent pas à afficher leurs difformités en public. Le plus souventn, les peuples acceuillent cet étalage morbide avec respect.
Le propos de Dix se situe à rebours de cette récupération dramatique et patriotique des traces de la souffrance militaire. Dix choisit de montrer les soldats comme des pantins ridicules.

Dans Les joueurs de cartes, le décalage entre la banalité de la situation (le jeu) et l’aspect monstrueux des joueurs est frappant (un joueur tient la carte avec son pied). Le fait qu’un autre porte fièrement la croix de fer à sa veste est sans doute une critique du peintre à l’égard du nationalisme excessif exprimés par certains anciens combattants allemands.

Rue de Prague est plus complexe, avec ses victimes directes (les mutilés, les prothèses dans la vitrine) et indirectes (la petite fille seule est-elle une orpheline ? La grosse dame en rose dont on devine le jupon est-elle une prostituée ?). Les invalides sont amoindris (mis au même niveau que le chien, plus bas que la dame en robe rose). Cette toile n'est pas non plus exempte d'allusions politiques. Près du cul-de-jatte au buste monté sur une planche à roulettes, Dix a collé un tract ou une affichette, qui porte en titre Juden raus ! - Dehors les Juifs. Les ligues d'anciens combattants sont très sensibles à la propagande ultranationaliste, dont l'antisémitisme une importante composante. Aussi peut-on voir dans l'œuvre, tout à la fois, une analyse de la société allemande de la défaite et une préfiguration de ce qu'elle devient dans l'entre-deux-guerres.

Dans les années 1930, le propos lucide et pessimiste de Dix qui a profondement choqué les nazis. Ces derniers ont rapidement condamné voire détruit une partie de son œuvre (La tranchée).

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