lundi 21 décembre 2009

Abraham Bomba, témoin du film Shoah.

Voici en deux parties, le témoignage bouleversant d’Abraham Bomba, tiré du film de Claude Lanzmann Shoah. Abraham Bomba était coiffeur à la gare centrale de New-York lorsque Lanzmann l’a rencontré. Ill fut déporté à Treblinka (Pologne) avec toute sa famille durant la guerre. Au camp, sa fonction était de couper les cheveux des condamnés à la chambre à gaz. Il connaissait leur sort mais ne pouvait en aucun cas leur dire ce qui allait leur arriver.
Dans ces extraits, Lanzmann a l’idée de demander à Bomba de raconter son histoire dans un salon de coiffure. De refaire les mêmes gestes qu’avant, afin de réactiver sa mémoire et de stimuler l’imagination du spectateur. Dans son film, Lanzmann refuse d’utiliser la moindre image d’archives ne fonde son propos que sur la parole des témoins et des survivants, afin que le public du film puisse reconstituer le processus du génocide dans son esprit. Très représentatif de cette démarche exigeante, les extraits que voici atteignent des sommets d’émotion.
Attention, je n’ai trouvé que des vidéos sous-titrés en espagnol (mais vous êtes d’excellents hispanistes !). Voici le synopsis des deux scènes, tirés d’une étude du CNDP, afin de vous y retrouver un peu :
« Bomba était à Treblinka depuis un mois quand, un matin, vers 10 heures, il est choisi avec d'autres coiffeurs pour être conduit à la chambre à gaz par un chemin camouflé de palissades, de barbelés, de branchages : « le chemin du ciel ». Pendant une dizaine de jours, il a dû couper les cheveux des femmes, avant que la coupe n'ait lieu dans la baraque de déshabillage elle-même. Il est dans la chambre à gaz où on a installé des bancs. Soudain arrivent les femmes nues et les enfants. Bomba montre comment il devait couper les cheveux. Lanzmann lui demande à deux reprises ce qu'il a ressenti quand il a vu arriver les femmes et les enfants pour la première fois. « C'était très dur de ressentir quoi que ce soit [...]. Vos sentiments disparaissaient, vous étiez mort aux sentiments, mort à tout. » Un jour arrivent des femmes de sa ville, Czestochowa. Quelques-unes étaient des amies proches : « Abe, que fais-tu ici ? Que va-t-on nous faire ? » « Que pouvions-nous dire ? » Puis Bomba ne peut plus parler quand il évoque l'arrivée de la femme et de la sueur d'un de ses amis, coiffeur avec lui, dans la chambre à gaz. « Continuez, Abe. Vous le devez. Il le faut. [...] Je sais que c'est très dur, je le sais, pardonnez-moi. » Bomba se résout enfin à décrire l'attitude de son ami. Il faisait pour les deux femmes « le maximum, rester avec elles, une seconde, une minute de plus, les étreignant, les embrassant. Car il savait qu'il ne les reverrait jamais ».

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